[We hear a brief, highly edited version of the prologue...
[SARAH: Hello?
TOMMY: Sarah.
SARAH: Uncle Tommy? What time is it?
TOMMY: I need to talk to your dad now, there’s something-
The phone is cut off
SARAH: Hello? Dad? There you are.
JOEL: Sarah. Are you ok?
SARAH: What’s going on?
JOEL: It’s the Coopers. Something ain’t right with them. I think they’re sick.
SARAH: What kind of sick?
JOEL: Jimmy! Jimmy just stay back! I am warning you! Dont!
SARAH: You shot him
JOEL: Sarah
SARAH: I saw him this morning
JOEL: Listen to me. We have got to get out of here do you understand me?
SARAH: Yeah.
JOEL: It’s Tommy. Come on.
TOMMY: Where the hell you been? Do you have any idea what’s going on out there?
JOEL: I got some notion
TOMMY: Oh this is bad. Everyone and their mother had the same damn idea.
JOEL: We could just backtrack and- Holy shit. Turn us around. TOmmy. Tommy!
TOMMY: Holy shit
SARAH: Look out!
SFX: Car Crash
SARAH: Dad!
JOEL: I’m here baby. Give me your hand.What is it?
SARAH: My leg hurts.
JOEL: How bad?
SARAH: Pretty bad.
JOEL: We’re gonna need to run. Hold on tight. Keep your eyes closed, honey.
TOMMY: This way through the alley. Get to the highway.
JOEL: What?
TOMMY: Go, you got Sarah. I can out run them
SARAH: Uncle Tommy?
JOEL: I will meet you there.
SARAH: Daddy we can’t leave him
JOEL: He’s gonna be fine
SARAH: They’re getting closer. Dad?
JOEL: It’s ok baby we’re safe. Hey we need help, please
OFFICER: Stop
JOEL: It’s my daughter. I think her leg is broken.
OFFICER: Stop right there.
JOEL: We are not sick
OFFICER: Got a couple of civilians in the outer perimeter. Please advise.
SARAH: Daddy, what about Uncle Tommy?
JOEL: We’re gonna get you to safety then go back for him.
OFFICER: Sir there’s a little girl. But- Yes sir.
JOEL: Oh shit
SFX: Gunshots
JOEL:Oh no, Sarah! Move your hands b. I know it hurts. I know baby. I know. Sarah.
Baby.]
>>TLOU PODCAST THEME SONG<<
CHRISTIAN : Je suis Christian Spicer. Je suis auteur, podcaster et grand fan de The Last of Us. Ce jeu compte beaucoup pour moi, comme pour vous, j'en suis sûr. Quand j'y ai joué pour la première fois, en 2013, j'étais jeune papa d'une petite Estelle. Mon premier enfant. On l'avait surnommée Ellie avant même la sortie du jeu. J'ai lancé le jeu, un soir, avec ce terrible prologue que nous venons d'entendre, ma fille Ellie endormie sur mes genoux, et j'ai assisté au moment où Sarah mourait dans les bras de Joel. J'ai vu un père perdre sa fille et l'histoire ne m'a ensuite laissé aucun répit. Ce jeu m'a touché au niveau personnel et émotionnel et, même après l'avoir terminé plusieurs fois, ce premier contact me marque encore aujourd'hui.
Bienvenue dans le podcast officiel de The Last of Us.
Vous venez d'entendre le prologue poignant de The Last of Us Part 1, un chef-d'œuvre vidéoludique sorti en 2013, développé par Naughty Dog et édité par Sony PlayStation.
À l'heure où Naughty Dog s'apprête à lancer The Last of Us Part 2, je voulais prendre un instant pour parler de ce jeu qui représente tellement pour tant d'entre nous, et tenter de m'immiscer dans l'esprit des visionnaires et génies responsables de cette pépite. Nous allons revenir sur l'histoire du jeu tout en découvrant ses coulisses.
Dans cet épisode, nous allons aborder le Prologue et l'Été Partie 1, et nous discuterons avec Troy Baker et Ashley Johnson (alias Joel et Ellie), ainsi que le concepteur des combats au corps à corps, Anthony Newman, et l'auteur et réalisateur de The Last of Us, Neil Druckmann.
Le temps de me remettre du prologue, il me semble pertinent d'ouvrir le bal avec le cerveau à l'origine du phénomène, M. Neil Druckmann.
CHRISTIAN : Donc Neil, au début du Prologue dans The Last of Us Part 1, le joueur incarne Sarah. On joue donc un genre personnage qu'on n'a pas l'habitude d'incarner dans un jeu vidéo.
NEIL : Oui, beaucoup de décisions ont été prises afin de proposer quelque chose d'inédit et on s'est retrouvés avec tous ces petits plus qu'on n'avait pas prévu. En fait, au départ, le joueur devait incarner Joel. Il était censé se rendre dans la maison d'un voisin qui allait devenir infecté et être la première personne que tue Joel, avant que celui-ci rentre chez lui et s'enfuie avec Sarah. Mais en y repensant, on a trouvé que la scène donnait une impression de déjà-vu, et on a cherché un moyen de rendre tout ça plus intéressant. Et au cours d'une réunion, on s'est dit : et si on voyait cette scène du point de vue de Sarah ? C'était intéressant car on devenait une personne innocente et, disons, moins capable. On ressentait la peur de voir le monde s'effondrer autour de nous
[SARAH: What is going on?]
avec un sentiment d'impuissance.
[SARAH: Dad?]
Dans le peu de temps qu'on passe avec Sarah, il fallait établir ce personnage et susciter de l'empathie, car elle est la raison pour laquelle Joel est tel qu'il est quand on le retrouve des années plus tard. Et contrôler Sarah donnait un petit avant-goût du passage de l'histoire où le joueur incarnerait Ellie. En fin de compte, on joue à tour de rôle les deux filles que va avoir cet homme.
CHRISTIAN : Il y a aussi cette scène qui nous donne un aperçu du quotidien de Joel et sa fille, avec Sarah qui attend son père endormie sur le canapé.
[JOEL: We’ll talk about it in the morning. Alright goodnight.
SARAH: Hey
JOEL: Scoot
SARAH: Fun day at work, huh? Here.
JOEL: What’s this?
SARAH: Your birthday? You kept complaining about your broken watch. So I figured,
you know? You like it?
JOEL: Honey this is nice, but I think it’s stuck, it’s…
SARAH: What? No no no no. Oh haha.
JOEL: Where did you get the money for this?
SARAH: Drugs. I sell hardcore drugs
JOEL: Good, you can start helping out with the mortgage then.
SARAH: Yeah you wish.]
NEIL : C'est intéressant de le présenter comme ça. Ça me fait penser à la structure de The Last of Us, où chaque chapitre est une histoire en soi. Pour chaque histoire, on devait présenter la situation de départ, puis l'événement qui allait écarter les personnages de leur routine et enfin ce qu'ils allaient devoir faire pour retrouver leurs vies normales.
On a eu l'idée de cette scène qui montre que Sarah a économisé un peu d'argent, ce qui laisse penser qu'ils ne sont sans doute pas très riches, et que pour elle c'est très important. Elle sait que c'est l'anniversaire de son père, et elle l'attend pour lui offrir son cadeau et voir sa réaction.
Si je me souviens bien, la montre était là dans les dessins conceptuels. Le graphiste responsable de la conception des personnages l'avait dessinée au poignet de Joel. On a voulu s'en servir. En réfléchissant à son histoire, on s'est dit qu'il pourrait porter une montre que lui aurait offerte sa défunte fille. Elle devenait une sorte de rappel permanent. En narration visuelle, il faut avoir des éléments qui symbolisent les sentiments des personnages. Joel n'a pas besoin de rappeler qu'il a perdu sa fille, Sarah, il y a 20 ans. Tout ce qu'il a à faire, c'est toucher sa montre. Le joueur comprend tout de suite que la montre représente leur relation.
[SFX of watch ticking]
À partir de là, on comprend un autre aspect du jeu, qui est en grande partie consacré aux relations entre les parents et leurs enfants, et vice-versa. Ces relations vont du bonheur d'être ensemble au besoin de protéger ceux qu'on aime, quitte à prendre des décisions de plus en plus difficiles. On tenait vraiment à en faire le cœur de notre histoire. Finalement, Joel ne change pas vraiment. L'histoire ne raconte pas la transformation de Joel. Elle raconte comment Joel redevient lui-même. On découvre donc toutes les facettes de cet homme dans l'introduction. Puis on le remet à zéro et on revient peu à peu à ce qu'il était.
CHRISTIAN : Tout de suite après que Sarah offre à Joel son cadeau d'anniversaire, la montre, on le découvre dans un autre rôle. Il devient protecteur quand le voisin, ou plutôt ce qu'il reste du voisin, fait son apparition. Joel le tue alors sans hésitation.
NEIL : Oui. En fait, il entend des cris dans la maison d'à côté et va voir ce qui se passe. C'est là que la narration est efficace, parce qu'on nous donne juste assez d'éléments pour comprendre ce qui se passe. Quand Joel revient, il est déjà couvert de sang. Il s'est passé quelque chose qui lui a fait peur,
[SARAH: There you are
et il s'inquiète pour la sécurité de sa fille.
JOEL: Sarah, are you ok? Did anyone come in here? Don’t go near the door. Just stand
back there]
Il ouvre alors un tiroir et sort une arme.
[SFX of getting the gun]
On découvre que Joel possède une arme et qu'il n'hésite pas à la charger pour s'en servir, ce qui en dit long sur lui.
[SFX of window crashing]
Quand le voisin entre en traversant la fenêtre,
[JOEL: Jimmy stay back]
il lui demande d'abord d'arrêter,
[JOEL: Jimmy I’m warning you. Dont!]
et ce n'est que quand il fonce sur lui et sa fille qu'il appuie sur la gâchette.
[SFX of gunshot]
Comme vous dites, sans hésitation. Quand il sent que sa fille est menacée, il n'a pas peur d'utiliser son arme. Voilà le genre d'homme qu'il est et qu'il sera tout au long de l'histoire.
CHRISTIAN : Quand ils quittent la maison, je crois qu'on découvre un autre aspect important de la personnalité de Joel, en tant que père. Il fait le choix difficile de continuer à fuir en laissant des personnes derrière lui.
[JOEL: What do you think you’re doing?
TOMMY: They got a kid Joel.
JOEL: So do we.
SARAH: But we have room!
JOEL: Keep driving Tommy. You ain’t seen what I seen. Someone else will come along.
SARAH: Shoulda helped ‘em.]
NEIL : C'est drôle que vous parliez de choix difficile. En connaissant Joel, je ne crois pas que ce choix soit difficile. Ce n'est même pas une décision. Il ne va pas s'arrêter alors que cela mettrait sa fille en danger. Si je peux me permettre une petite digression : je suis originaire d'Israël, et je m'intéresse à la politique du pays. Un soldat, Gilad Shalit, avait été enlevé par le Hamas. Il avait ensuite été échangé contre des centaines de prisonniers. Certains de ces prisonniers avaient du sang sur les mains. C'étaient des terroristes. Il y avait eu un grand débat dans le pays. Est-ce qu'il était bien de libérer autant de criminels pour sauver un seul soldat ? Je me rappelle avoir demandé à mon père ce qu'il en pensait. Est-ce que c'était la bonne décision ? Il m'avait répondu : veux-tu la réponse du père du soldat ou celle du Premier ministre d'Israël ? Car la décision ne serait pas la même. En tant que Premier ministre d'Israël, je pense qu'ils ont fait le mauvais choix. Désormais, le pays est moins sûr. En tant que père du soldat, j'aurais fait libérer tous les prisonniers de toutes les prisons. Et c'est un peu la problématique de l'histoire : est-ce que la fin justifie les moyens ? Tout est une question de point de vue. S'il avait dû choisir entre un enfant isolé et toute une famille, Joel aurait peut-être pris une tout autre décision. Mais pour sauver ses proches, sa fille, il n'a aucun doute sur ce qu'il doit faire.
CHRISTIAN : Vous parlez des proches de Joel : quand Joel s'ouvre-t-il aux autres ? Quand va-t-il choisir de se sacrifier pour eux plutôt que de partir sans se retourner ?
[SFX of truck driving by]
NEIL : Eh bien, je crois qu'ici, on pourrait citer Robert McKee. Je suis sûr que ça remonte à plus loin. Robert Mckee est un grand gourou de la littérature créative. J'ai lu beaucoup de ses travaux quand j'ai appris à écrire. Parmi ses concepts, il y a celui de se demander ce qui pourrait arriver de pire à un personnage, de plus grave que la mort. C'est ce que vit Joel dans la séquence d'intro.
[SFX of gunshot
JOEL: Oh no. Sarah]
Il n'aurait rien pu lui arriver de pire. Le plus horrible pour lui, c'est de voir sa fille mourir dans ses bras. C'est ce qui caractérise Joel. Ses décisions l'ont conduit en enfer. Il essaie de lutter contre sa nature en se disant, consciemment ou pas, que si c'est ce qu'il en retire, autant ne plus jamais s'attacher à personne, parce qu'aimer quelqu'un dans ce monde est lourd de conséquences.
CHRISTIAN : Vous étiez déjà père quand vous avez fait ce choix ?
NEIL : Je suis devenu père pendant que je travaillais sur The Last of Us. L'introduction du jeu est l'une des dernières choses que nous ayons faites. Je ne sais pas si j'ai agi ou réagi différemment au matériau après avoir eu mon enfant. Mes parents étaient très protecteurs, quand j'étais petit. Je me suis inspiré de ces sentiments et de ces craintes, de ce qu'ils faisaient pour nous protéger, mon frère et moi. Quand j'ai eu mon propre enfant, c'était un peu comme une continuation, peut-être plus intense, de tous ces sentiments. C'est ce que j'essaie d'expliquer quand on me demande ce que ça fait d'être parent, si on ressent de nouvelles choses. Je ne sais pas si on ressent de nouvelles choses. Mais on ressent un amour comme on n'en a jamais ressenti. Et on ressent une peur comme on n'en a jamais ressenti. Tout est beaucoup plus intense. Je ne savais pas que ces sentiments pouvaient être aussi forts. Donc bien sûr, quand on a tourné cette scène, elle m'a touché à un niveau personnel, mais c'est le cas de tout le monde, au final. C'est drôle parce que d'un côté, quand on dirige des comédiens, du moins en ce qui me concerne, j'essaie de les observer comme si j'étais un joueur devant l'écran. Et j'essaie d'imaginer que je vois le jeu pour la première fois. Et puis d'un autre côté, il y a le réalisateur qui doit être très critique et se demander ce qu'il cherche à obtenir, et s'il y parvient. Bref, on essaie de donner forme à la scène. Mais c'est Troy qui en parle le mieux.
TROY : Oui, je savais que cette scène se situerait au tout début du jeu, car c'est un événement déterminant de l'histoire. J'ai passé un long moment à me préparer et à entreprendre ce que je pensais être le processus pour entrer dans ce rôle, cette scène, et ce moment précis. Je savais, de par mon expérience et ma formation, qu'un comédien devait se rattacher à ce qu'il avait connu de plus proche de la scène qu'il s'apprêtait à jouer. C'est donc ce que j'ai fait. Ce qu'on ne vous dit pas, ou plutôt ce que je n'avais pas compris, c'est que ça revient à se coller la bouche à une borne d'incendie ouverte. J'arrive au moment où je me sens prêt. Je m'avance, je suis juste là. Pile à la surface. On attaque la scène et là boum ! Instantanément, la digue cède et je perds pied. Tout à coup, Joel disparaît. Joel n'est plus dans la scène. Il n'y a que Troy, Troy qui vit un grand moment cathartique. Quand j'entends "coupez"... j'ai envie de recommencer.
CHRISTIAN : [rit]
TROY : Ça, je ne m'y étais pas préparé. Je suis là : attendez, attendez. Quoi ? On recommence donc et j'essaie de forcer l'instant, mais ça ne fonctionne pas. On n'y croit pas du tout. Et je me remets à pleurer. Coupez ! Je veux la refaire. On refait cinq, six, sept prises. Et enfin, Neil nous dit : OK, je crois qu'on la tient. On s'en va. J'étais épuisé. Puis un mois plus tard, on tourne à nouveau. Neil me retrouve dehors et me dit : la prochaine scène, ce sera celle-là. Je lui réponds : Oh, cool, cool. Puis il ajoute : il faudrait aussi qu'on en refasse une autre. Alors, je lui demande laquelle. Et là, il me fait une grimace. Je lui dis : non, pitié, tout mais pas ça.
CHRISTIAN : [rit]
TROY : Je suis dans tous mes états. Donc un mois plus tard, on se remet à tourner la scène. Action ! Je me lance tout de suite mais c'est bizarre, ça sonne faux. On recommence trois ou quatre fois. Neil vient me voir entre deux prises, je m'en souviendrai toujours. Il me dit : je sens une certaine résistance. Je lui réponds : oui, évidemment que tu sens une résistance, parce qu'on la tient. C'est dans la boîte. La première prise. Il me dit : je vais te dire ce que j'ai. J'ai un homme brisé. Alors je dis : forcément, sa fille vient de mourir ! Il me fait : non, j'ai un homme brisé. Ce que je n'ai pas, c'est ce qui se passe. C'est ça, qui se passe. Je peux arranger ça. Ça ne marche pas. Elle va mourir. Elle meurt. Je suis brisé. Et c'est là que j'ai compris que Neil Druckmann était le meilleur réalisateur avec qui j'avais travaillé.
[SFX of the Quarantine Zone]
CHRISTIAN : C'est l'été. On a rencontré Tess et, pour la première fois depuis le voisin, on se trouve face à des infectés et on découvre ce qu'est la vie pour les survivants de l'épidémie. On voit Joel passer à côté d'un groupe de personnes qu'on examine à la recherche de signes d'infection,
[WOMAN: No, I’m not infected, it’s wrong. The scan’s wrong! Please!
SFX of gunshots
MAN: Holy shit.]
qui tentent de fuir et se font abattre. Ça ne semble pas du tout l'affecter. Cette scène nous prépare à un événement important pour le joueur, à savoir la rencontre de Joel et Tess avec un homme infecté par les spores.
[INFECTED MAN: Please, my mask broke. Don’t leave me to turn. Please.
TESS: What do you want to do?]
Joel tue cet homme.
[SFX of gunshot
TESS: Poor bastard.]
NEIL : C'est ce qu'on recherche, chez Naughty Dog, cet équilibre entre interactivité et narration. L'idée ici était que, dans le cadre de leur activité de contrebande, Joel et Tess utilisent des tunnels souterrains pour sortir de la ville
[TESS: Hold up - spores]
et traverser des zones envahies par les spores qui pourraient les infecter. On les voit porter des masques à gaz. Mais cette fois, ils empruntent un tunnel qui s'est en partie effondré. Un autre contrebandier a cassé son masque, il respire les spores et il sait qu'il va se transformer. Quand on arrive, il nous supplie de l'abattre. Il ne veut pas se changer en infecté.
[MAN: Don’t leave me to turn]
La narration nous montre l'état d'esprit des survivants dans ce monde.
[MAN: Please]
Et puis le tutoriel se lance et nous dit sur quelles touches appuyer pour viser et presser la détente.
[TESS: What do you want to do?]
Neuf joueurs sur dix le font.
[SFX of gunshot]
Mais il y a également des joueurs qui refusent et luttent contre la nature de Joel à ce moment. Dans ce cas, c'est Tess qui le tue.
[SFX of gunshot]
Donc en fait, si on ne tue pas cet homme, Tess le fait pour nous. Alors soit Joel le fait, soit Tess le fait, mais ils sont tous les deux à l'aise à l'idée de tuer quelqu'un. Par la suite, cela devient notre réalité.
CHRISTIAN : Eh bien, je dois vous faire une confidence. Je ne savais pas que Tess le ferait. Et pourtant j'ai fait le jeu un paquet de fois.
NEIL : Eh bien, c'est amusant. On sait ce qu'on veut que le joueur fasse, mais il faut toujours se demander : et s'il ne le fait pas ?
Voilà donc une occasion de vous mettre dans la peau de Joel. On ne conçoit pas The Last of Us comme la plupart des jeux. Beaucoup d'autres titres vous laissent façonner la moralité de votre personnage. Certains ont même une barre qui vous indique si vous êtes bon ou mauvais. On ne fait pas ce genre de jeu. On annonce que Joel est un personnage singulier qui fait des choses singulières et on cherche très vite à placer le joueur à son niveau. On comprend ce qu'il fait et pourquoi il le fait, de sorte que plus tard, quand il va s'écarter de ce qu'on ferait normalement, on est déjà de son côté. On se dit qu'on n'aurait pas fait ça mais Joel, oui. On joue le rôle de Joel. Alors on accepte ce qu'il fait. C'est la routine de Joel. C'est comme ça qu'il s'en sort. Pour lui, c'est de la clémence. Il abrège les souffrances de cet homme parce que devenir infecté est pire que mourir.
CHRISTIAN : Ensuite, on rencontre Marlene et on voit les Lucioles pour la première fois.
[TESS: Look let's go find a Firefly.
MARLENE: You won’t have to look very far.
JOEL: Well there ya go. Queen Firefly.]
NEIL : Dans The Last of Us, on voulait éviter d'avoir des gentils et des méchants. En réalité, tout est une question de point de vue. Les Lucioles opèrent dans les zones de quarantaine et tentent de les "libérer". De leur point de vue, ils sont des combattants de la liberté. Du point de vue de l'armée, ce sont des terroristes. Et du point de vue de Joel et Tess, ils sont juste une opportunité. Ils ne prennent parti pour aucun des camps. Ils sont indépendants. Ils cherchent Robert, qui a volé une cargaison d'armes dont ils ont besoin. Ils font du troc pour survivre dans ce monde. Mais Robert a donné la cargaison aux Lucioles. Donc, à ce moment, les Lucioles sont pour Joel et Tess un moyen d'arriver à leurs fins.
[TESS: You aren’t looking so hot.
MARLENE: Where’s Robert?
TESS: [chuckles]
MARLENE: I needed him alive.
TESS: The guns he gave you? They weren’t his to sell. I want them back.
MARLENE: Doesn’t work like that Tess.
TESS: The hell it doesn’t.
MARLENE: I paid for those guns. You want ‘em back? You’re gonna have to earn ‘em.]
Joel, en particulier, se contrefiche des Lucioles. Il se moque de cette vision idéaliste de la vie. Il pense que ça n'aboutira à rien. Il n'y a que la survie qui compte. On découvre donc Marlene, qui a des contacts dans le milieu du marché noir, avec Joel et Tess, et qui s'aperçoit qu'ils ont tué Robert, avec qui elle faisait affaire. Or, elle veut faire sortir quelque chose de la ville.
[MARLENE: I need something smuggled out of the city. You do that, I’ll give you your
guns back and then some.
JOEL: How do we know you’ve got ‘em?
[voice: Search the area!]
MARLENE: I gotta move. What’s it gonna be?
TESS: I wanna see those guns.
MARLENE: Follow me.]
Et je crois que si Joel avait su quel était le paquet, il ne l'aurait pas accepté.
CHRISTIAN : Vous dites quelque chose, mais c'est plutôt quelqu'un. Une personne très importante.
[JOEL: We’re smuggling her?]
ASHLEY : Elle a quatorze ans quand on la rencontre, et on voit tout de suite son côté hargneux face à Joel qui s'en prend Marlène.
[ELLIE: Get the fuck away from me!]
Elle lui dit de la lâcher
[MARLENE: Let her go]
et elle est prête à se battre s'il le faut. C'est comme ça qu'on la découvre, et ça donne le ton.
[MARLENE: There’s a crew of Fireflies that will meet you at the capital building. You
hand her off, come back, the weapons are yours. Double what Robert sold me.
TESS: Speaking of which, where are they?
MARLENE: Back at out camp
TESS: We’re not smuggling shit until I see them.
MARLENE: You’ll follow me. You can verify the weapons. I can get patched up. But
she’s not crossing to that part of town. I want Joel to watch over her.
ELLIE: Bullshit I’m not going with him.
MARLENE: Ellie!
TESS: Just take her to the north tunnel and wait for me there.
JOEL: Jesus Christ
TESS: It’s just cargo Joel
JOEL: Don’t take long. And you? Stay close. Let’s go.]
ASHLEY : La frontière entre Ellie et moi est trouble, à ce moment-là. C'est comme si j'étais elle, et qu'elle était moi. En fait, je suis très possessive avec ce personnage.
CHRISTIAN : Comme beaucoup d'entre nous ! Je pense que de nombreux joueurs se sont retrouvés en elle grâce à vos efforts pour la rendre crédible. Ce n'est pas une demoiselle en détresse, et ce n'est pas non plus une sorte de guerrière endurcie. Elle est authentique et sincère, et c'est ce qui la rend attachante.
ASHLEY : Merci. Oui. Je crois que c'est important, surtout pour un personnage féminin, de montrer toutes ces facettes, car c'est ce qui nous rend spéciales. Montrer à la fois de la vulnérabilité, de la peur, de la force. On a besoin de ces contrastes, car c'est ce qui fait, à mon sens, un personnage intéressant.
NEIL : Ellie est une personne intéressante, comme une fenêtre ouverte sur l'histoire, tandis que Joel fait le lien entre deux mondes. Il a vécu dans le monde qu'on connaît. Il est une sorte de passerelle pour le joueur, car le joueur vit dans notre monde et il se retrouve transporté dans cette autre réalité, exactement comme Joel. Ellie, d'un autre côté, ne connaît que le monde post-apocalyptique ravagé par l'épidémie. Elle a toujours vécu dans une zone de quarantaine limitée. Elle nous permet de trouver un peu d'innocence dans ce monde et de nous émerveiller devant des choses qu'on aurait prises pour acquises. Tout le concept de The Last of Us, c'est d'entreprendre un long périple avec deux personnages, Ellie et Joel, qui au départ ne s'apprécient pas. Et surtout qui ne se font pas confiance. Malgré cela, ils vont finir par s'aimer comme un père aime sa fille, ou une fille aime son père, et ils seront prêts à faire n'importe quoi l'un pour l'autre.
CHRISTIAN : J'aimerais qu'on s'attarde un peu sur Ellie. Pour elle, Joel est un père de substitution. Marlene a peut-être été une mère de substitution aussi, d'une certaine manière. Comment définiriez-vous ce qu'est une famille, pour Ellie ? Qu'est-ce qu'elle attend de la part d'une mère ou d'un père ? Comment voit-elle ces rôles ?
ASHLEY : Je suis sûre qu'autour d'elle, elle voit d'autres enfants avec leurs parents. Je pense que c'est une relation que beaucoup d'entre nous recherchent, qu'on ait des parents ou non, car on a besoin d'être guidés, surtout à cet âge. La relation entre Marlene et Ellie en particulier est très compliquée. Mais elles tiennent énormément l'une à l'autre. Je crois effectivement que Marlene était une figure parentale pour Ellie. Et je pense que, quand elle rencontre Joel, ils ont tout de suite un rapport père-fille.
[JOEL: You’re friends with the leader of the fireflies. What are you, like 12?
ELLIE: She knew my mom. And she’s been looking after me. And I’m 14, not that that has anything to do with anything.
JOEL: So where are your parents?
ELLIE: Where are anyone’s parents?]
Ils se mènent la vie dure et essaient de nier qu'ils ont ce lien qui les unit, mais il est bien là et ils entreprennent ce périple tous les deux. Quand on part en voyage avec quelqu'un, on a forcément un lien avec cette personne. Quand Ellie laisse sa vie derrière elle, on voit que c'est une vie difficile. Mais elle est forte, courageuse, drôle. Ça a toujours été comme ça. Seulement, elle commence à ressentir un nouvel isolement du fait de son immunité. Elle ne veut en parler à personne. Elle est différente. Quand on est enfant, on ne veut pas être différent. On le cache, sinon on est mis à l'écart. Surtout quand on est la seule personne immunisée contre un truc qui menace tout le monde. C'est terriblement discriminant. Et ce poids est lourd à porter. C'est pour ça qu'à la fin, elle dit que ça ne peut pas être pour rien.
CHRISTIAN : On découvre qu'Ellie est infectée. À ce moment-là, Joel est encore distant. Ellie n'est pas sa fille de substitution, c'est un paquet. Et puisqu'elle est infectée, elle est une charge. Troy, pouvez-vous nous parler de ce moment, ce qu'il signifie pour Joel et en quoi il est déterminant pour la suite de son aventure ?
TROY : Je crois qu'au moment même où Joel voit Ellie... Je ne sais pas si c'est la première fois qu'il interagit de façon aussi étroite avec une fille qui a l'âge qu'avait Sarah, je n'y ai jamais réfléchi... En tout cas, cet homme agit à l'instinct, il n'y a aucun doute là-dessus. C'est parfaitement clair. Dès le départ, il se lie à elle, même s'il y a d'abord une sorte de rejet qui se fait, et qui est un pur mécanisme de défense de la part de Joel. Au moment où ils sortent des égouts, quand les soldats les arrêtent et leur font passer le test auriculaire,
[SFX of attacking Tess, Joel, and Ellie
OFFICER 1: Don’t do anything stupid.
OFFICER 2: Move
OFFICER 1: Turn around, on your knees You scan ‘em, I’ll call it in.
ELLIE Attacks, SFX gunshots.
ELLIE: Ah fuck. I thought we were just going to hold them up or something.
TESS: Oh shit. Look.
JOEL: Jesus Christ. Marlene set us up? Why the hell are we smuggling an infected girl?
ELLIE: I’m not infected.
JOEL: No? Just lying?
ELLIE: I can explain.
TESS: You better explain fast.
ELLIE: Look at this.
JOEL: I don’t care how you got infected.
ELLIE: It’s three weeks old.
TESS: No everyone turns within two days, so you stop bullshitting.
ELLIE: It’s 3 weeks. I swear. Why would she set you up?
JOEL: I ain't buying it]
il est déstabilisé. Il ne voit pas comment les choses pourraient bien se terminer. La gamine va mourir, et ça va être rapide. Elle va mourir, là, maintenant. Mais il ne comprend pas qu'elle ne soit pas encore transformée, après plusieurs jours. Elle aurait dû se transformer.
CHRISTIAN : Comment Joel accepte-t-il la vérité ? Le fait qu'Ellie est l'élue, qu'elle est Neo. Qu'il faut qu'il l'amène à destination car elle est unique.
TROY : Ça, c'est une bonne question. Je crois que ce que vous voulez savoir, c'est, essentiellement : est-ce que Joel retrouve l'espoir ? Est-ce qu'il croit en un messie, un sauveur, une personne élue ? Neo n'est pas l'élu. Mais ça, c'est un sujet pour un autre podcast que j'aimerais beaucoup faire avec vous. [rit]
CHRISTIAN : Si quelqu'un nous écoute, on aimerait faire une autre série.
TROY : Voilà.
CHRISTIAN : Je suis partant.
TROY : Je ne pense pas que Joel raisonne en ces termes. Pour lui, il n'y a pas de notion d'espoir ou même d'humanité. Pour lui, il n'y a que la survie et le besoin. Il s'est ouvert à cette gamine et elle s'avère être une menace. Alors, l'alternative, c'est A- il l'élimine, mais il ne veut pas revivre ça. Ou B- elle leur fait du mal. Et il ne veut pas avoir à gérer ça. Il est loin de se dire qu'il est possible qu'un monde meilleur naisse de tout ça. Je crois que Joel attend la mort mais que quelque chose en lui, même s'il préférerait mourir, le pousse à continuer. OK, je vais vivre. Toute cette histoire, c'est la chose la plus pénible qui pouvait m'arriver. Mais je vais le faire pour me punir d'avoir laissé quelqu'un mourir. En tout cas, non, je ne pense pas qu'il raisonne en termes d'espoir et de rédemption.
ANTHONY : Je suis Anthony Newman. C'est moi qui ai conçu les combats au corps à corps de The Last of Us Part 1.
CHRISTIAN : Le jeu place le joueur dans des situations extrêmement brutales. Je pense que c'est en grande partie dû au système de combat au corps à corps qui nous amène à voir de près les coups portés, les mises à mort, les victimes, aussi bien les humains que les infectés. Mais le jeu est aussi magnifique, quand Ellie voit de vraies lucioles pour la première fois, des girafes, la nature qui reprend ses droits. Comment avez-vous trouvé l'équilibre entre beauté et brutalité, dans ce monde que parcourent Joel et Ellie ?
ANTHONY : Au studio, on est de grands fans de Robert McKee et de son travail sur l'écriture et la narration. L'un des points qu'il soulève et qui me plaît beaucoup, c'est que c'est la dimension qui rend les personnages intéressants. Et par dimension, ce qu'il faut comprendre, c'est "contradiction". Si on prend l'exemple de Han Solo, dans Star Wars, on a d'un côté un personnage égoïste et intéressé. Mais, d'un autre côté, quand ça se complique et que Luke se trouve en danger, il part à sa rescousse. Il y a donc une sorte de contradiction entre son égoïsme et son altruisme qui rend ce personnage attachant et intéressant. Je crois que c'est ce qui a dicté beaucoup des décisions qui ont été prises pour rendre le monde à la fois brutal et beau. Parce que si tout était super glauque et lugubre, l'expérience ne serait pas aussi riche. Et le fait que le jeu nous montre aussi bien des claqueurs qui nous égorgent
[SFX of clickers]
que la petite Ellie qui nous raconte des blagues,
[ELLIE: It doesn’t matter how much you push the envelope. It will still be stationary.
SFX Laughter]
je pense que c'est ce qui rend l'expérience aussi profonde et variée. Je suis ravi qu'on ait abordé le jeu dans cet état d'esprit. Ce qui est intéressant, à propos de tout ça, c'est qu'il ne devait au départ y avoir que des claqueurs.
[SFX of clickers]
Au début, tous les infectés du jeu étaient des claqueurs en phase finale de contamination. Dans le pitch original de The Last of Us, les infectés n'étaient qu'une sorte de menace d'arrière-plan pour une histoire centrée sur les conflits humains. Et puis, au fil du développement, on s'est penchés sur l'histoire et les types de situations qu'on voulait générer. On s'est rendu compte que les affrontements avec les infectés étaient nombreux et que c'était lassant de toujours affronter les mêmes ennemis. C'est arrivé très tard au cours de la production. Dix mois avant la sortie du jeu, je crois, ou peut-être onze, Bruce a divisé les infectés en quatre classes.
CHRISTIAN : Entre parenthèses, Bruce Straley a développé et réalisé le jeu avec Neil.
ANTHONY : Dans l'ordre croissant, on avait donc les coureurs, les rôdeurs, les claqueurs et les colosses. C'est en quelque sorte la hiérarchie de ces ennemis. Et il existe des différences majeures entre chacun. Les coureurs sont les plus faibles. On les a mis au même niveau qu'Ellie au corps à corps. Quand ils vous frappent, ils ne vous interrompent pas. Ils vous font vaciller légèrement, mais vous pouvez continuer à frapper. Si vous affrontez un coureur et qu'un autre s'en prend à vous, il vous blesse mais vous pouvez continuer à attaquer celui avec lequel vous vous battez. Ensuite, on monte d'un cran avec les rôdeurs.
[ELLIE: Ah fuck. Stalkers.]
Les rôdeurs aussi sont arrivés tard dans le développement du jeu. Ils tendent des embuscades. Ils se cachent et vous guettent dans les coins. On avait bien développé cet aspect, mais ils n'avaient pas d'attaques au corps à corps qui leur étaient propres. Je me rappelle clairement avoir eu une discussion à ce sujet avec Bruce. Ils avaient les mêmes capacités que les coureurs. De plus, on ne les rencontrait que deux fois dans tout le jeu. Ils étaient réduits à un espace quasiment inexistant. Je me rappelle qu'on était à moins de deux mois de la sortie du jeu, quand Bruce m'a dit : on a besoin de ces trucs. Il leur faut des attaques. Il faut les rendre uniques. Ce qui distingue les rôdeurs des coureurs, en dehors du fait qu'ils se cachent, c'est que leurs attaques au corps à corps sont un peu plus puissantes. Quand ils vous frappent, ils vous interrompent. Si un rôdeur vous assène une série de coups, vous ne pouvez rien faire tant qu'il n'a pas fini son enchaînement. Ensuite, les claqueurs sont vraiment un cran au-dessus. Quand ils vous touchent, ils interrompent vos attaques, mais ils interrompent aussi votre vie. Ils peuvent vous tuer instantanément en se jetant sur vous. Enfin, le
[JOEL: Goddamn bloater.
ELLIE: What!]
colosse est une sorte de super claqueur. Il fait tout ce que fait le claqueur, tout en étant plus massif et plus résistant. C'est aussi le seul infecté avec une attaque à distance. C'est le petit truc qui le place encore un peu plus haut, ce nuage corrosif qu'il diffuse vers vous.
[ELLIE: What the fuck is it throwing at us?
JOEL: Ellie, just stay away from it.]
CHRISTIAN : À ce moment du jeu, nous sommes avec Ellie, Joel et Tess, et ils ont traversé la ville jusqu'au Capitole, où ils découvrent
[TESS: No, no no.]
que le groupe de Lucioles qu'ils cherchent a été tué.
[ELLIE: What happens now?
TESS: Maybe they uh, maybe they hid a map or uh, something to tell us where they’re going
JOEL: How far are we going to take this?
TESS: As far as it needs to go...where was this lab of theirs?
ELLIE: She never said, she only mentioned that it was someplace out west.
JOEL: What are we doing here? This is not us.
TESS: What do you know about us? About me?
JOEL: I know that you are smarter than this.
TESS: Really? Guess what we’re shitty people Joel it’s been that way for a long time.
JOEL: No we are survivors
TESS: This is our chance!
JOEL: It is over Tess! Let’s just go home
TESS: I’m not, I’m not going anywhere. This is my last stop.
JOEL: What?
TESS: Our luck had to run out sooner or later
JOEL What are you going on about--
TESS: No don’t. Don’t touch me.
ELLIE: Holy shit, she’s infected
TESS: Joel
JOEL: Lemme see...oh Christ.
TESS: Give me your arm...this was three weeks. I was bitten an hour ago and it’s already worse. This is fucking real, Joel. You’ve got to get this girl to Tommy’s. He used to run with this crew. He’ll know where to go.
JOEL: No no no no that was your crusade. I am not doing that.
TESS: Yes you are! Look, there’s enough here that you have to feel some sort of obligation to me so you get her to Tommy’s...They’re here.
JOEL: Dammit.
TESS: I can buy you some time but you have to run.
ELLIE: You want us to just leave you here?
TESS: Yes.
JOEL: There is no way that--
TESS: I will not turn into one of those things. C’mon. Make this easy for me .
JOEL: I can fi…
TESS: No just go! Just fucking go.
JOEL: Ellie...
ELLIE: I’m sorry, I didn’t mean for this.
JOEL: Get a move on.]
CHRISTIAN : Nous avons parlé de Sarah et Joel dans son rôle de père. Ici, nous le découvrons comme partenaire de Tess. Et puis Tess meurt. Dans un élan héroïque, elle choisit de couvrir les arrières de Joel tandis qu'il s'enfuit avec Ellie. Il s'est passé 20 ans depuis le dernier décès tragique qu'a connu Joel, mais seulement 30, 45 minutes, une heure trente pour que le joueur traverse cette nouvelle perte avec ce personnage. Pourquoi fallait-il que Tess meure ? Que signifie la mort de Tess ?
NEIL : On avait besoin de Tess parce que, sans elle, Joel n'aurait jamais accepté cette mission. Si Joel avait été seul et que Marlene était venue lui demander de traverser le pays avec une gamine de 14 ans, il l'aurait envoyée bouler. Il ne se serait pas engagé là-dedans. On a donc associé Joel à Tess, et décidé que ce ne serait pas lui le chef, mais elle. Joel est l'homme de main. En apparence, ce sont deux survivants. Ils sont prêts à tout pour s'en sortir et ont accepté cette réalité. Mais quand on voit Tess avec cette gamine, on comprend qu'elle voit en elle une chance de rédemption. Elle reconnaît qu'ils n'ont pas été des gens bien. Tess et Joel découvrent qu'Ellie est immunisée contre les effets du cordyceps. D'abord, ils ne veulent pas y croire, mais Tess demande à Joel : et si c'était vrai ? Et si escorter cette fille était la meilleure chose qu'ils puissent faire ?
[TESS: Really? Guess what, we’re shitty people, Joel, it’s been that way for a long time.
JOEL: No we are survivors!
TESS: This is our chance!
JOEL: It is over, Tess! Now we tried. Let’s just go home.
TESS: I’m not, I’m not going anywhere. This is my last stop.]
Il tente d'abord de la dissuader. Il lui dit que ça ne vaut pas le coup. Pour lui, c'est hors de question. Tess refuse de l'écouter et ils continuent, jusqu'au moment où elle se fait mordre. Elle le cache, dans un premier temps, puis elle réalise qu'elle n'ira pas plus loin. La seule chose qu'elle puisse faire pour que le voyage continue, c'est se sacrifier avant de devenir une infectée, en donnant à Joel et Ellie le temps d'échapper aux militaires qui les poursuivent. On a construit l'histoire de façon à ce que Tess formule une dernière volonté. Qu'elle puisse dire : je vais mourir. Je sais que tu ne veux pas le faire, mais il le faut. Il faut que tu continues. On pensait qu'on les conduisait juste hors de la ville et en fait ils étaient déjà morts. Mais ton frère doit savoir où sont les Lucioles. Il était l'un des leurs. Je t'en prie. C'est ma dernière volonté. Si tu tiens ne serait-ce qu'un peu à moi, fais-le. Par la même occasion, on donne à Joel et au joueur plus de temps pour se rapprocher d'Ellie. Si Tess fait partie de l'histoire, c'est pour nous conduire à ce moment. Joel fait une promesse à quelqu'un qu'il aime et qui vient de se sacrifier. Il décide donc d'aller un peu plus loin, en se disant qu'il va conduire la fille à son frère et s'en débarrasser. Il ne veut pas se lier à elle. Il veut garder ses distances. Et bien sûr, rien ne va se passer comme Joel l'aura prévu, du début à la fin. Mais c'est pour ça que Tess meurt : pour demander une dernière faveur à Joel.
CHRISTIAN : C'est à dire escorter cette gamine qu'il voit comme un paquet.
[TESS: Just cargo, Joel]
NEIL : Si on remonte un peu dans le temps, il y a un moment où Tess s'en va avec Marlene. Joel doit surveiller Ellie pendant quelques heures dans le repaire qu'il occupe avec Tess. Joel s'allonge pour dormir, Ellie fait un commentaire sur sa montre et il l'ignore complètement.
[ELLIE: Your watch is broken]
On voit ensuite Joel se réveiller d'un cauchemar, comme il le fait souvent.
[ELLIE: You mumble in your sleep]
Ellie lui demande de quoi il rêve.
[ELLIE: I hate bad dreams.]
Ensuite, en voyant la fin de la zone de quarantaine à travers la fenêtre, elle lui confie qu'elle n'a jamais été aussi proche de l'extérieur. Là, il commence se dire qu'elle n'est pas qu'un paquet.
[ELLIE: You know, I’ve never been this close to the outside. I mean, look how dark it is. It can’t be any worse out there.]
Après ce moment où elle apparaît si innocente, il lui demande :
[JOEL: What on earth do the Fireflies want with you?]
On réalise que ça le travaille. Il commence à s'investir. On a semé ce genre d'indices pour faire comprendre qu'en dépit de tout ce que Joel peut dire, dans son subconscient, quelque chose se produit. Et on le voit quand Tess meurt, qu'il sort avec Ellie des tunnels d'infectés, et se retrouve seul avec elle pour la première fois. Ils soufflent un peu. Ellie commence à s'excuser pour ce qui est arrivé à Tess.
[ELLIE: I’m sorry, I, I didn’t mean for this.
JOEL: Get a move on.]
Joel ferme la porte. Il y a des règles. Tu vas juste me suivre. On ne va pas parler du passé. On ne va pas se rapprocher. En fait, il cherche un moyen de se protéger lui-même. Bien sûr, Ellie est ce qu'elle est, et même si elle accepte sur le moment de suivre ces règles, rien ne va se passer comme Joel le voudrait.
CHRISTIAN : Que pensez-vous des choix de Joel jusque-là ?
TROY : Je crois que si Joel fait tout ça, c'est par obligation. Il est assez pragmatique pour savoir qu'il n'a pas d'autre choix. Il connaît suffisamment Tess pour savoir qu'il n'arrivera pas à la faire changer d'avis. Alors, il suit le mouvement. Ce sont son expérience et sa relation avec Tess qui l'amènent là. Mais je pense aussi que quelque chose en lui l'empêche d'abandonner une petite fille, même si elle risque plus tard de se transformer en monstre.
CHRISTIAN : La journée d'Ellie prend donc une tournure inattendue. Ashley, que pensez-vous du fait qu'Ellie décide de partir vers l'inconnu avec une personne, Joel, qu'elle n'avait encore jamais vue quelques heures auparavant ?
ASHLEY : Je pense qu'elle fait confiance à Marlene et qu'elle sait que Marlene a confiance en cette personne. Tout ce qu'elle veut, à ce moment, c'est essayer de comprendre la situation, et si cette personne peut l'aider à y arriver, alors elle partira avec elle. Mais je ne crois pas qu'elle était préparée à s'attacher à ce point à cet homme. Le personnage d'Ellie est tellement bien écrit ! Je trouve que tous les choix qu'elle fait sont osés et courageux. Je l'ai déjà dit, je suis fière d'avoir pu interpréter ce personnage. Je trouve sa relation avec Joel intéressante et différente. J'adore les choix qu'elle fait. Je trouve qu'ils lui correspondent parfaitement.
CHRISTIAN : Vous avez parlé de la scène où Ellie regarde par la fenêtre hors de la zone de quarantaine. Il y a un moment où Ellie en sort
[ELLIE: Fireflies.]
et voit des lucioles, de vraies lucioles,
[ELLIE: I mean, real fireflies.]
pour la première fois.
[JOEL: Yeah I see that.
ELLIE: Sorry, I, I lost myself for a second]
On a ensuite un passage avec un dialogue qui n'est pas une cinématique. Il me semble que le joueur l'entend mais peut faire autre chose en même temps.
NEIL : Oui, c'est ce qui rend notre médium unique : il permet de vivre les choses soi-même. Quand Ellie et Joel traversent la première forêt du jeu... Et les graphistes de Naughty Dog ont réalisé des illustrations magnifiques pour ce décor... On a un dialogue qui nous apprend que c'est la première fois qu'Ellie voit une forêt. Elle nous raconte qu'elle n'a jamais marché dans les bois, qu'elle n'a connu que le béton de la zone de quarantaine. En tant que joueur, on peut admirer les graphismes du jeu. Et en même temps, on entend les commentaires de cette gamine et on se dit : ah oui, c'est vrai que c'est joli. Ensuite, elle n'arrête pas de faire des commentaires sur des oiseaux ou des lucioles qu'elle voit pour la première fois. De véritables lucioles. Ce sont des choses qu'elle connaît sans doute grâce aux articles de vieux magazines du style National Geographic qu'elle a pu trouver quelque part. Joel est quant à lui quelqu'un qui a perdu le goût de la beauté, de l'art, de toutes les bonnes choses que le monde peut offrir. Pour lui, la vie se résume à survivre jusqu'au lendemain. En quelque sorte, c'est comme s'il était mort à l'intérieur. Joel est mort avec sa fille et Ellie le ramène peu à peu à la vie.
CHRISTIAN : Troy, vous nous avez dit que Joel n'avait pas de notion d'espoir.
TROY : Oui.
CHRISTIAN : S'il n'a pas d'espoir, alors pourquoi Joel se bat-il ?
TROY : Pendant la scène de dispute entre Tess et Joel, Tess lui dit qu'ils sont des ordures, et que ça fait trop longtemps que ça dure. Ils font un sale boulot. Joel, lui, s'est convaincu qu'ils étaient des survivants. Qu'ils luttaient pour vivre. Je suis sûr que de nombreuses fois, Joel a chargé son arme dans l'intention d'en finir avec la vie. Mais je pense qu'un contrat tacite qu'il a passé avec Sarah l'empêche d'aller jusque-là. Il estime certainement qu'il n'y trouverait aucune libération, que ce n'est pas la solution au problème. Alors quelle est la solution ? La solution, c'est de survivre.
CHRISTIAN : Pour quelle raison pensez-vous qu'Ellie se bat ?
ASHLEY : Je crois qu'elle se bat pour comprendre. Bien sûr. Comme je le disais, je pense que cette chose qui lui arrive, en plus des épreuves qu'elle a traversées, notamment la perte de sa mère et de Riley, elle cherche à leur donner un sens, comme on le fait tous. Et puis, au contact des Lucioles, elle se met à penser qu'elle peut accomplir quelque chose de grand, changer la donne, être la solution au problème. Je pense qu'elle essaie vraiment de comprendre pourquoi ce truc lui est arrivé, à elle, et pourquoi elle est telle qu'elle est. Et qu'elle se demande si elle peut s'en servir pour aider les autres.
CHRISTIAN : Et Neil, selon vous, pourquoi ces personnages se battent-ils ?
NEIL : Joel se bat clairement pour se protéger. Et pour ce faire, il doit protéger Ellie. Ellie, en fait... je ne sais pas pourquoi dans ma tête, j'essaie de ne pas révéler l'histoire. Pour Ellie, c'est justement l'objet même de cette conversation. Ellie tente de justifier les sacrifices de tous les autres. Voilà ce qu'elle cherche à faire tout au long de l'histoire. Elle a besoin... On va le voir. Sa meilleure amie Riley est morte pour la sauver. Tess est morte pour la sauver. Elle va rencontrer d'autres personnages en chemin qui n'auront pas une fin heureuse. Alors, elle essaie de justifier toutes ces choses horribles qui se passent autour d'elle, et les choses horribles qu'elle va faire pour trouver ce remède. C'est pour ça que c'est important pour elle. Parce que sinon, toutes ces morts sont vaines. Et elle se demande pourquoi elle survit alors que les personnes qu'elle aime sont mortes.
CHRISTIAN :
La semaine prochaine dans le podcast officiel de The Last of Us :
Montage of clips from next episode
-JOEL: Ah Shit!
-ELLIE: I gotchu.
-JOEL: Dammit Bill!
-BILL: Kid, I swear to god if you took anything…
-ELLIE: Hey man, I don’t need any of your shit. Trust me.
-NEIL: Joel believes you don’t get attached to anybody, you live by yourself. That’s how you survive. And we get to see, okay this is what that looks like.
-ELLIE: “why are these all stuck together?
-JOEL: Um
-ASHLEY: I think those moments are so important in the game because it is heavy. And we need to have those moments to all have a collective sigh of relief to have a break for that moment.
>>CLOSING THEME MUSIC AND CREDITS<<
Cette adaptation française du podcast officiel de The Last of Us est une production PlayStation et Spoke Media. Il est présenté Christian Spicer, version originale Brigham Mosley.
Equipe Sony PlayStation : Charlie Yedor, Cristian Cardona et Carrie Surtees.
Equipe Naughty Dog : Arne Meyer et Scott Lowe.
Equipe de production : Carson McCain, Kelly Kolff, Tre Jones et Reyes Mendoza.
Cet épisode a été monté par Evan Arnett, qui a également contribué à la musique et au sound design.
L'épisode d'aujourd'hui inclut des interviews de Neil Druckmann, Troy Baker, Ashley Johnson et Anthony Newman.
Producteurs exécutifs : Alia Tavakolian et Keith Reynolds.
Avec les voix françaises de Damien Boisseau, Adeline Chetail, Damien Ferrette, Nessym Guetat et Cyrille Monge.